- ÉCHIQUIER
- ÉCHIQUIERÉCHIQUIERL’expression a longtemps désigné en Angleterre la section financière du Conseil du roi, telle qu’elle a commencé à être définie au XIe siècle sous Henri Ier; l’appellation a sans doute pour origine le dessin de la nappe recouvrant la table de travail des conseillers, probablement destiné à faciliter les comptes qu’ils effectuent à l’aide de jetons. La cour de l’Échiquier a rassemblé les grands officiers de la Couronne et divers experts financiers et judiciaires nommés barons de l’Échiquier. Au cours de deux sessions annuelles, à Pâques et à la Saint-Michel, les shérifs viennent présenter leurs comptes et opérer le reversement obligatoire des impositions et revenus royaux. Au XIIIe siècle, la présidence de l’Échiquier est confiée au trésorier, assisté du chancelier de l’Échiquier: cette hiérarchie subsiste jusqu’au règne d’Élisabeth Ire, qui ordonne la séparation de l’Échiquier et de la Trésorerie. Des origines jusqu’au XIXe siècle, l’Échiquier constitue en même temps une cour de justice, théoriquement spécialisée dans le contentieux fiscal, en fait amenée par usurpation à juger même des causes civiles ordinaires par la grâce de la procédure de quo minus : en vertu de cette procédure, une partie peut recourir à la cour sous le prétexte que le dommage subi lui interdit de s’acquitter de ses obligations envers le roi; la cour peut juger «en équité» sous la présidence du lord-chancelier et du trésorier ou selon la loi commune par l’intermédiaire des barons, placés, à partir du début du XIVe siècle, sous la présidence d’un chief baron . En 1831-1833, une première série de réformes abolit la procédure de quo minus et les fonctions financières de l’Échiquier, en 1841 la cour perd le droit de juger en équité et en 1873 est fondue dans la nouvelle Haute Cour de justice. Le chancelier de l’Échiquier a bénéficié de l’évolution de la fonction de trésorier, confiée, à partir du XVIIIe siècle, au Premier ministre de fait: celui-ci, s’il a parfois assumé en même temps la chancellerie de l’Échiquier, a le plus souvent confié la tâche à un personnage distinct qu’il a placé à la tête des bureaux mêmes de la Trésorerie. C’est ainsi que le chancelier de l’Échiquier a conquis à la fois la direction des finances publiques et un rang ministériel éminent. Depuis le début de ce siècle, il est toujours membre du cabinet; son titre est devenu synonyme de ministre des Finances. D’autre part, le contrôleur général de l’Échiquier, chargé en 1833 d’administrer les revenus publics versés à son compte à la Banque d’Angleterre, est devenu, en 1866, le chef d’une section administrative spécialisée connue sous le nom de Exchequer and Audit Department: outre les autorisations de paiement sur divers fonds publics, il assure la responsabilité d’un rapport annuel sur les dépenses publiques, est habilité de ce fait à entendre tous les fonctionnaires compétents, et soumet son rapport à la Chambre des communes.• eschaquier XIIe; de échec1 ♦ Plateau divisé en soixante-quatre cases alternativement blanches et noires, sur lequel on joue aux échecs. Disposer les pièces sur l'échiquier.♢ Par anal. Toute surface couverte de carrés égaux et contigus, aux couleurs alternées. ⇒ damier, quadrillage. Arbres plantés en échiquier. ⇒ quinconce. — Blas. Écu divisé en échiquier. ⇒ échiqueté.2 ♦ Fig. Terrain, lieu où se joue une partie serrée, où s'effectue une manœuvre, où s'opposent plusieurs intérêts, plusieurs partis. L'échiquier politique.3 ♦ (XIIe eschekier « trésor royal », à cause du tapis à carreaux de la table où la cour des ducs de Normandie faisait les comptes) Hist. Cour souveraine de justice de Normandie. — (1601; angl. exchequer, du sens 3 précéd.) Mod. En Angleterre, Administration financière centrale. Le chancelier de l'Échiquier est l'équivalent du ministre des Finances.échiquiern. m.rI./rd1./d Tableau servant au jeu d'échecs.|| Surface dont la disposition rappelle celle d'un échiquier.d2./d Fig. Lieu, domaine où s'opposent les partis, les intérêts. L'échiquier politique.rII./r Le chancelier de l'échiquier: le ministre britannique des Finances.⇒ÉCHIQUIER, subst. masc.A.— 1. JEUX. Plateau divisé en 64 carrés (noirs et blancs en général) et sur lequel on joue aux échecs. Jouer, pousser des pions/pièces sur l'échiquier. Une vieille table à jouer en marqueterie, dont le dessus faisait échiquier (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 28). Cf. aussi échec1 ex. 4 :• 1. On peut dessiner des figures variées pour ainsi dire à l'infini, en plaçant ad libitum différentes pièces d'un jeu d'échecs sur les cases d'un échiquier. Toutes ces figures sont nécessairement subordonnées au canevas rectangulaire de l'échiquier, et tous leurs angles coïncident avec les intersections des lignes qui passent par les centres des cases.ÉLIE DE BEAUMONT, Rapport sur les progrès de la stratigraphie, 1869, p. 517.— P. compar. Avare vieux homme (...) O roi tardif et tel que le roi de l'échiquier qu'enferme la tour, et que surveillent les pions, et qu'insulte le fou diagonal! (CLAUDEL, Tête d'Or, 1901, p. 241).2. [P. anal. de forme (et parfois de couleur)]a) Loc. En échiquier. En une disposition rappelant l'aspect d'un échiquier. Combinaison, plan en échiquier. Riche pavé de marbre, en échiquier (MICHELET, Journal, 1838, p. 288). Si les deux axes sont perpendiculaires (...) la ville offrira spontanément un dessin en échiquier régulier (P. LAVEDAN, Urban., 1926, p. 38).— ART MILIT. [À propos de troupes] Disposition en carrés intercalés sur plusieurs rangs. Marengo, la bataille en plaine, avec ses grandes lignes savamment développées, son impeccable retraite en échiquier, par bataillons (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 58).b) Spécialement— BLAS. ,,Écu divisé en plusieurs carrés, les uns de métal et les autres de couleur`` (LITTRÉ).— COMPTAB., vx. Tableau (généralement carré ou rectangulaire) formé de cases comprenant chacune un nombre selon une certaine loi de répartition. Les comptables faisaient leurs calculs à l'aide d'échiquiers spéciaux (DRUON, Roi de fer, 1955, p. 138).— PÊCHE. Grand filet carré soutenu par deux demi-cerceaux entrecroisés et fixé au bout d'une perche. (Quasi-)synon. carrelet2. Pierre, debout à l'avant, plongeait dans la rivière le large filet, tendu sur deux bâtons en croix, qu'on appelle un échiquier (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 4).3. Au fig. [À propos d'une activité humaine] Domaine où s'exerce une compétition, une lutte d'intérêts, où s'entrecroisent des manœuvres habiles.a) Domaine idéologique :• 2. Ces penseurs disent en somme que la philosophie dans tout le cours de son histoire a consisté à avancer et à retirer des pièces mobiles sur un échiquier des idées. Que de combinaisons possibles, que de belles parties proposées aux sages s'ils appliquent seulement les règles compliquées de ce jeu d'adresse que les historiens inventent!NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, p. 31.b) Domaine de la vie pol., de l'écon., etc. Échiquier électoral, mondial, politique :• 3. — Tu n'as pas de position politique; mais ton cas peut servir de prétexte à des manœuvres politiques. On va tâcher de faire de toi un pion que l'on poussera sur d'obscurs échiquiers que tu ne connais même pas.DUHAMEL, Le Combat contre les ombres, 1939, p. 224.B.— P. méton. Juridiction anglaise, qui règle les affaires des finances. Chancelier de l'Échiquier :• 4. ... Couve de Murville, commissaire aux finances, réglait avec le Chancelier de l'échiquier la fin de l'accord financier passé en mars 1941 entre la France libre et l'Angleterre.DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 135.Prononc. et Orth. :[
]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 a eschaquiers « dont la surface est divisée en carreaux, comme celle d'un échiquier » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 742); b) 1704 mar. (Trév. : des vaisseaux [...] en échiquier); 2. spéc. ds le domaine agn. a) 1170 eschekier « trésor royal » (Quatre livres des rois, éd. E. R. Curtius, p. 118 [1 Rois 4, 6]); b) 1280 « cour de justice, en Normandie » (Cart. de l'égl. de Chartr., BN 1. 10094, f° 90 r° ds GDF. Compl.) cour maintenue sous le nom d'Échiquier de Normandie lors de la réunion de la Normandie au domaine par Philippe-Auguste, devenue Parlement de Rouen sous François Ier; 3. ca 1176 jeu eschaquier (CHR. DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 2335); 4. 1806-07 fig. « champ de bataille, terrain d'affrontement » (J. DE MAISTRE, Corresp., t. 2, p. 317). Dér. de échec; suff. -ier. Au sens 2, cf. au Moy. Âge, l'utilisation, par les banquiers, de tapis quadrillés pour faire leurs comptes (mil. du XIIIe s., Du Prestre et d'Alison ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 17 : Lors rue sor un eschequier. XV. livres d'esterlins blans). Il est difficile de déterminer si l'emploi de 2 a son origine en Normandie, où le lat. médiév. scaccarium est relevé en 1140 (Baldinger ds Britannica, Festschrift für H. M. Flasdieck, Heidelberg, 1960, p. 18, note 16; le mot étant dans cette hyp. passé de Normandie en Angleterre) ou en Angleterre (lat. médiév. scaccarium, 1118 ds NIERM.; cf. angl. Exchequer ca 1190 ds MED). Fréq. abs. littér. :126. Bbg. LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 407. — ROG. 1965, p. 202. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 164, 191.
échiquier [eʃikje] n. m.❖1 (V. 1176). Tableau divisé en soixante-quatre cases alternativement blanches et noires (ou de deux autres couleurs) et sur lequel on joue aux échecs. ⇒ Échecs (cit. 14). || Disposer les pièces d'échecs sur l'échiquier. || Renverser l'échiquier par dépit. || Fabricant d'échiquier (⇒ Tabletier, tabletterie). || Côté de l'échiquier sur lequel on joue. ⇒ Tablier.1 Jacques savait d'avance tout ce qu'ils allaient dire; seule variait la disposition des objections et des arguments, comme celle des pions sur un échiquier.Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 53.2 (V. 1160). Surface couverte de carrés égaux et contigus, aux couleurs alternées. ⇒ Damier, quadrillage. || Un échiquier d'arbres. || En échiquier, se dit d'objets disposés en une série de carrés dont les lignes se croisent comme sur un échiquier. || Arbres plantés en échiquier. ⇒ Quinconce. — Blason. || Écu divisé en échiquier, en plusieurs carrés alternativement de métal et de couleur. ⇒ Échiqueté. — Milit. Ancienne disposition des troupes formées sur plusieurs lignes, en carrés, ceux-ci étant séparés d'une distance égale à leur côté, et ceux de la seconde ligne placés derrière les vides de la première.2 (…) un échiquier de fenêtres noires, où de jolies figures n'apparaissent que par exception.Nerval, Promenades et Souvenirs, I, « La butte Montmartre », Pl., t. I, p. 141.♦ Comptab. Tableau composé de cases contenant chacune un nombre qui satisfait à une loi de répartition.B Fig. (Par allus. à la partie qui se joue sur l'échiquier). Terrain, lieu où se joue une partie serrée, où s'effectue une manœuvre, où s'opposent plusieurs intérêts, plusieurs partis. || L'échiquier parlementaire (Académie). || L'échiquier européen. || L'échiquier colonial (J. Ziegler).3 (…) je le répète, il était assez indifférent pour moi que ce monde fût un échiquier, comme me le disait encore Augustin; que la vie fût une partie jouée bien ou mal, et qu'il y eût des règles pour un pareil jeu.E. Fromentin, Dominique, III, p. 54.4 Tout d'abord, au moment de la livrer (la bataille), avait-il l'avantage de connaître à fond l'échiquier — je veux dire le terrain.Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, L'avènement de l'Empire, XXV, p. 313.5 Être à la tête d'un pays qui tient une place sur l'échiquier, d'un pays qui possède un territoire, un empire colonial, ça oblige à une vision réaliste.Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 126.C (1170; eschekier « trésor royal », parce que « la cour… des ducs de Normandie se réunissait autour d'une table recouverte d'un tapis orné de carreaux servant à faire les comptes », Bloch).1 (1280). Hist. Cour souveraine de Justice de Normandie, érigée en parlement en 1499.2 (1654, in D. D. L.; adapt. angl. exchequer, franç. échiquier, au sens C, ci-dessus). Mod. En Angleterre, Administration financière centrale. || Le chancelier de l'Échiquier est l'équivalent du ministre des Finances.❖DÉR. Échiqueté.
Encyclopédie Universelle. 2012.